"Qui baigne ses mains dans le sang, les lavera dans les larmes."

La douleur qui le traversa de part en part n'était comparable à rien d'autre qu'il avait connu dans sa vie. Jamais il n'avait senti cette souffrance dans son corps, comme si son sang le brûlait au plus profond de lui-même. Alors qu'il reprit violement conscience, il apporta une main à l'endroit où on l'avait mordu. Remarquant bien vite le sang, qui s'était écoulé de la plaie. Il découvrit qu'il n'avait plus de manteau, car un froid mordant lui piquait la chaire et passait à travers sa chemise et son pantalon. Ce n'était pourtant pas l'hiver. Il se releva, fébrile, dépouillé, ensanglanté, regardant autour de lui. Personne. Il entendait des bruits un peu plus loin, il pensait que c'était à quelques pas. Mais en s'y dirigeant, aidé du mur de la ruelle, quittant la marre de sang dans laquelle il gisait, il s'aperçut que c'était bien plus loin qu'il ne le pensait. Laissant derrière lui une traînée sur le mur.

Alors il rejoint la seule âme qui vive qu'il a pu entendre. Ignorant au premier abord le massacre qui s'est déroulé. La première chose qu'il fit en voyant cet homme adossé contre le mur, les yeux mi-clos, c'est de le supplier, balbutiant, hésitant entre sa langue natale, l'anglais et le français qu'il avait du mal à remettre après ce qu'il s'était pas passé.

"Ich bin ... I .... please ... I got ... attaque."(1)

Prononçant ce dernier mot, il remarqua l'homme au sol. Inerte. Les poings du type. Et l'argent. Sa voix s'étranglant en pensant qu'il avait à faire à son aggresseur, il fixa l'homme devant lui, n'arrivant plus à le quitter des yeux. Il pensait qu'il allait se faire de nouveau attaquer... et que cette fois il allait vraiment mourir. Est ce qu'il devrait s'enfuir, combattre ? Il n'avait jamais appris à se défendre, voire il n'en avait jamais eu besoin. Être victime d'agression alors qu'il n'était plus sans un sous n'était pas logique ... c'était une erreur...

Ignorant bien qu'il était en réalité déjà mort depuis une quinzaine de minutes. Et qu'il avait été transformé.
"Do not hurt me..."(2)

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(1) "J'ai ... j'ai ... s'il vous plait.. j'ai été ... attaque."
(2) " Ne me faites pas de mal..."

Jamais il n’avait ressenti une telle sensation parcourir ses membres, rentrer dans sa chaire par la peau, et lui glacer le sang. Il se sentait geler. Plus le temps passait et l’adrénaline redescendait. Quelque chose dans son corps n’allait pas. Était-ce l’attaque qui l’avait profondément remué au point que ses sens s’en retrouvait tout chamboulé ? Tout le monde aurait accepté cette évidence. Et il n’y avait pour l’heure aucune autre raison à lui donner.

L’homme ne sembla faire aucun geste déplacé ni d’aucune menace. Peut-être n’était-il pas l’homme qui l’avait agressé quelques minutes plus tôt. Son regard scrutateur sur lui prouvait en tout cas qu’il le rencontrait pour la première fois. Mais au vu de la situation, et du corps inerte sur le sol pavé, Jonathan ne pouvait encore en conclure qu’il était pourtant en sécurité. Il le regarda retirer la lame du malheureux en réprimant un hoquet de dégoût. Puis l’homme le regarda encore de haut en bas avant de ramasser son sac plein d’argent.

“I'm not that kind of man.”

Son regard glissa à nouveau sur le corps par terre. L’allemand était bien trop agité pour en conclure quoi que ce soit. S’il n’était pas ce genre d’homme, à attaquer, alors pourquoi est ce qu’il avait planté cet homme. Non, il restait un danger potentiel. Et c’est pour cette raison qu’il devait se tenir éloigner… peut-être même partir, non ? Et chercher ailleurs l'aide dont il avait besoin.

“And I don't believe that I can hurt you now.”

Un instant il crut apercevoir de la douleur dans son regard, alors qu'il regardait sa victime. Comment pouvait-il éprouver une telle chose face à ce qu'il venait de faire? Jonathan ne comprenait pas trop les tenant et les aboutissants, et il avait bien entendu bien d'autres problèmes à régler avant celui-là. A commencer par son état.

“We have a problem.”

L’allemand fit un pas de recul, ayant peur à nouveau de ce que cet homme pourrait lui demander. Rendre des comptes pour ce qu’il avait vu. Il ne connaissait ni son nom, et serait même prêt à oublier son visage et ne pas répéter aux autorités ce qu’il avait vu… si seulement cela lui permettait de survivre.

“Nein… I won’t tell anyone…”(1)

Sa gorge se serra une nouvelle fois. Est ce qu’il allait l’enlever. Le séquestrer ? Il avait beau lui avoir dit qu’il n’était pas ce genre d’homme ou qu’il ne pourrait pas lui faire de mal à présent, il avait bien de peine à y croire.

L’inquiétude sourde qui lui faisait à présent vibrer les tympans sembla ne pas être la seule à le rendre malade. Un instant il sentit un violent battement dans sa poitrine, lancinante. Son coeur souffrait énormément, mais il ne savait pas de quoi. Il se pencha un instant vers l’avant, se tenant la poitrine avec un bras, posant main à terre. Il n’arrivait pas à reprendre son souffle qui venait de se saccader. Alors que l’odeur du sang commençait de plus en plus à réveiller une toute nouvelle nature…

“Scheiße... I have to...I’m sick…”(2)

Et si … il avait attrapé la rage? Cette morsure à son cou…

Le sang en coulait encore de la plaie, glissant sur sa chemise et la teintant encore un peu plus de rouge.

“I need a doctor.”(3)

« You can't see a doctor now. You're not a human, and I don't know a doctor for the people like you.»

Jonathan ne comprenait pas. Il venait tout juste de demander un médecin. Et tout ce qu'on trouvait à lui dire c'est qu'il ne pouvait en voir un. Qu'il n'était pas un humain. Qu'il n'y en avait pas pour quelqu'un comme... quoi ?! Il s'insurgea presque, devant de telle parole. Le battement dans ses tempes reprirent de plus belles.

«You 've been bitten. »

Après avoir senti la peur lui prendre les tripes c'était cette fois l'incompréhension. Et sa seule réaction, était de sentir l'énervement monter. Il pensait que l'homme en face de lui avait compris ce qu'il était. Un juif. Et alors ? Comment osait-il dire qu'il n'avait pas le droit d'avoir de médecin... ou même d'être qualifié d'humain. Ce monde était vraiment le pire. A croire que les anglais étaient les mêmes, comme partout. Sérieusement... il avait besoin de soin, il ne voulait quand même pas qu'il se vide là ?

“A person like me... I don't know what you mean. Of course I'm human. Rassistisches Arschloch”

Il repoussa le mouchoir, venant une nouvelle fois regarder le corps battu à terre. La hâte et la peur lui bourdonnait de plus en plus la tête... jusqu'à ce qu'il ne soit obligé de mettre un genoux à terre. Haletant. Quelque chose n'allait pas. Il avait terriblement mal, dans tout son être. Et pourtant ... il ne savait dire, pourquoi il commençait à ressentir ... cette soif... La rage .... c'était forcément la rage ... le besoin de mordre... prendre ce sang sur ce mort ...

Il se mit à hurler de douleur lorsque ses deux canines se mirent à pousser. Avant de relever les yeux, injectés de sang. Ses iris devenues pourpres.

“Save me ...”